Plus que jamais en cette période de blocage des salaires prolongée depuis 5 ans, nous constatons combien le système des primes est injuste, frustrant et générateur de mal être. Des agents sont mis en compétition pour quelques centaines d’euros de plus ou de moins par an. Cela demande des heures (des jours !) de travail à l’encadrement, aux services gestionnaires de proximité, a la DRH, pour produire de l’insatisfaction, des rivalités, jusqu’a des dépressions… Le temps et l’énergie ainsi consommés seraient mieux utilisés au service de la collectivité publique plutôt qu’a ces micmacs déjà analysés en 1955 dans un article de la revue Economiste par Cyril Northcorte Parkinson qui concluait que «les fonctionnaires se créent mutuellement du travail» en multipliant les tâches de gestion interne. Les tenants du système des primes prétendent qu’il faut bien distinguer les niveaux d’implication dans le travail d’une façon ou d’une autre, et que l’aiguillon financier est le plus efficace.
Encore faudrait-il pour cela que le système fonctionne. Or, ce n’est pas le cas.
Pourquoi le système des primes ne fonctionne-t-il pas ?
Parce qu’il mêle des critères de reconnaissance du travail accompli avec d’autres qui n’ont rien à voir mais permettent seulement de ne pas dépasser l’enveloppe budgétaire : un exemple plus que fréquent est l’injustice faite aux agents arrivant en administration centrale après un passage en services déconcentrés, qui voient leur coefficient baisser pour ne pas être « trop » augmentés en intégrant un barème supérieur. Pourtant, le coût de la vie en région parisienne n’est pas moins élevé pour eux que pour leurs collègues qui ont fait toute leur carrière en administration centrale. De même, des parts Résultats de PFR baissent parce que la part Fonctions augmente. C’est exactement contraire à la fausse promesse de cette prime (dont la CGT a toujours dénoncé à la fois la perversité et l’impossibilité d’application réelle) : travaillez plus, vous serez payé plus… et plus votre poste sera important, plus vous serez payé en plus. En comparant les moyennes au sein des grades d’un même corps, on voit bien que les primes jouent essentiellement un rôle de complément de salaire, modulé comme le salaire en fonction de l’ancienneté : les grades de début de carrière ont une moyenne plus faible quel que soit le mérite des agents.
Parce qu’une moyenne identique est imposée à des services dont la population n’est pas comparable : la mobilité est notamment un critère déterminant. Si un service a une proportion élevée d’agents anciens et que ceux-ci ont vu leurs primes augmenter avec le temps (ce qui est légitime), il n’y a plus de réserve pour les entrants, en particulier les jeunes agents, quelles que soient leurs prouesses professionnelles.
Parce que les politiques indemnitaires des services sont différentes et que l’harmonisation ne les corrige pas : une comparaison effectuée sur les primes 2013 des directions d’administration centrale montre comment certaines DAC (malgré l’harmonisation effectuée par la DRH) modulent les primes plus que d’autres. Certaines directions baissent ou même suppriment les primes des agents considérés comme non performants. D’autres ont une pratique plus resserrée autour de la moyenne.
Prétendra-t-on en déduire que tous les agents « à problèmes » sont concentrés dans certaines directions qui, coïncidence, attirent aussi les agents « exceptionnels », tandis que tous les agents « moyens » se regroupent dans d’autres directions ?
Nous pensons que cette explication n’est pas la bonne et qu’il s’agit plutôt de choix de gestion différents… dont les agents font d’autant plus les frais que l’administration se garde bien de leur donner des éléments de repère. Sur ce point, les notifications devraient comporter de vrais éléments de comparaison et toute absence d’augmentation (ou baisse, bien entendu) devrait être motivée.
Parce que la PFR a encore accru l’inégalité indemnitaire entre les corps administratifs et les corps techniques : avec la PFR, les écarts entre les agents se sont creusés et, dans nos ministères, sont largement supérieurs à ceux existant au sein des corps techniques percevant l’ISS. Nous prendrons pour exemple l’étude effectuée par la CGT en administration centrale et comparerons les écarts entre le coefficient le plus bas et celui le plus élevé dans les corps des attachés et des ITPE. Nous voyons que les ratios mini/maxi les plus élevés sont de 1,8 pour les IDTPE et 1,6 pour les ITPE mais de 4,1 pour les APAE et de 3,5 pour les AAE, sans parler des services qui, pratiquant le 0 pour la part Résultats (DGALN pour les APAE, SG pour les attachés) nous mènent à un écart… infini. Aucun coefficient de modulation de l’ISS n’étant fixe a 0, doit-on en conclure que les improductifs ne se rencontrent que parmi les administratifs… ou plutôt que c’est la PFR qui crée ces inégalités ? Nous choisissons sans hésiter la seconde option.
Parce que les inégalités entre les ministères subsistent : la PFR devait ouvrir la voie à l’harmonisation des régimes indemnitaires, mais il n’en a rien été. Ainsi, les primes des attachés au MEDDE et au METL, même réévaluées ces dernières années pour s’aligner sur celles du ministère de l’agriculture, restent les plus basses de tous les ministères.
Ainsi, en SD, un attaché principal du MEDDE perçoit des primes qui peuvent être de près de 50% inférieures à celles d’un collègue issu du ministère des finances. Au sein du MEDDE, les attachés de la DGAC ont des primes supérieures de plus de 25% à celles de leurs collègues des autres DAC (la différence est de 60% avec un attaché des SD). C’est bien sûr un grand obstacle à la mobilité.
Cette question de l’harmonisation des régimes indemnitaires prend une importance particulière avec l’adhésion du MEDDE/METL au CIGEM. Car passée une période de 5 ans pendant laquelle ils disposent d’un « droit d’option », les attachés percevront les primes du ministère dans lequel ils sont affectés. Alors, quelles solutions pour nos collègues issus des
Finances ? Revenir dans leur ministère d’origine ? Encore faut-il trouver un poste.
Parce que plus la part des primes dans la rémunération globale augmentent, moins nos pensions de retraite seront élevées : en effet, pour les fonctionnaires, les cotisations retraite sur les primes sont plafonnées à 20% du salaire brut alors qu’elles en constituent au moins 30%, voire 50% dans certains corps. Autant de perdu pour plus tard !
La CGT demande l’harmonisation des régimes indemnitaires par le haut, l’intégration des
Primes dans le salaire et leur prise en compte complète pour la constitution de la pension de retraite des fonctionnaires, comme dans le secteur privé.
En dehors de quelques indemnités qui compensent des sujétions de service, les primes dans leur immense majorité constituent un complément de traitement. Elles compensent, mais d’une façon inégalitaire, la faiblesse des grilles indiciaires qui doivent être réévaluées. Plus la part des primes dans votre rémunération est élevée, plus la baisse de revenus sera forte lorsque vous serez en retraite.